Soixante ans après « la Toussaint rouge » (1er novembre 1954), date du début de l’insurrection algérienne, l’historiographie connaît un renouvellement des questionnements. Cette dynamique de recherche est globalement portée par une jeune génération d’universitaires et de chercheurs qui, sans se démarquer totalement de la génération précédente, la renouvelle en grande partie. Celle de l’après-guerre d’Algérie avait posé les cadres généraux de l’histoire de la période et d’une certaine manière « dégrossi » l’histoire de ces années de feu, à travers de grandes « fresques » qui balisaient toute la période, mais plus rarement à travers des travaux ponctuels focalisés sur les principaux acteurs (biographies, portraits et engagements contextualisés).
Ces travaux apportent de nouveaux éclairages sur la compréhension de la guerre. Les approches explorent davantage les racines et les dimensions internationales du conflit. Sont ainsi abordés le rôle de la Hongrie, de l’Italie, d’Israël et de la Croix Rouge. Le caractère nouveau de ces recherches se retrouve également dans l’attention portée aux opinions publiques, à la communication et au rôle de l’imprimé (éditeurs et éditions), aux idéologies, aux représentations et aux pratiques des acteurs de la confrontation (théories et théoriciens de la guerre anti-subversive, combattants et opposants à la guerre), aux rapports hommes/ femmes dans les luttes (militantes et porteuses de valises).
Certaines études descendent jusqu’à la région, à la ville, au village sous forme de monographies, apportant un regard plus localisé et territorialisé sur le conflit (l’action politique en milieu rural, les Aurès, la Kabylie avec la Wilaya III, la manifestation du 14 juillet 1953 à Paris...). La dimension mémorielle est également revisitée non seulement dans une perspective intergénérationnelle, dans ce qu’elle traduit comme recompositions identitaires, mais aussi dans ce qu’elle laisse à voir comme imposition idéologique.
Aïssa Kadri est professeur émérite des universités. Moula Bouaziz est historien, politologue, chercheur, ses recherches portent sur les questions de violences politiques et de crise en Wilaya 3 pendant la guerre de libération nationale. Tramor Quemeneur est ATER à l’Université de Paris 8, ses recherches portent sur les désobéissances et les oppositions à la guerre d’Algérie.
Table des matières
Aïssa Kadri ,Introduction
I. Les fondements de la guerre dans le temps long de l’Algérie coloniale
1. Mohand Oualid, Aberdeen, le rejet britannique de l’expédition d’Alger. Les cabinets de Saint-James et les orateurs de Westminster
2. Mouloud Haddad, Djihad et sacrifice ritualisé. Les imsebblen kabyles (XIXe siècle)
3. Kamel Saidi, Nationalité et citoyenneté, la fabrique d’une identité
4. Philippe Bouba, Le mouvement anarchiste en Algérie de 1887 à 1926. Presse de propagande et de combat, activités militantes et positions politiques face au fait colonial
5. Michelle Mann, La conscription musulmane et la politique identitaire de l’Algérie coloniale (1900-1914)
6. Julien Fromage, La mobilisation des élus musulmans fédérés au cours des années 1930 Chaînon manquant entre anticolonialisme et nationalisme ?
7. Péter Ákos Ferwagner, Discorde chez les Pieds-Noirs. Jacques Chevallier et le débat de 1951 sur la relation avec les musulmans
8. Emmanuel Blanchard, Paris, capitale impériale. La répression de la manifestation algérienne du 14 juillet 1953
II. Guerre, révolution et contre-révolution
9. Dahmane Nedjar, Éléments pour une histoire contemporaine de l’Aurès. Travaux, documents et témoignages
10. Nedjib Sidi Moussa, Émancipation des femmes et paternalisme dans le mouvement messaliste
11. Moula Bouaziz, Violences d’État, lutte antisubversive et civils pendant la guerre de libération algérienne. L’exemple de la Wilaya III (Kabylie)
12. Settar Ouatmani, L’histoire de la wilaya III à travers ses archives. Un exemple : le service financier
13. Fabien Sacriste, La « Méthode Mao » contre les « Mille villages » ? Réflexions sur l’historiographie des « regroupements »
14. Marnia Lazreg, L’Organisation militaire du savoir et le rêve d’un sujet colonial nouveau
15. Denis Leroux, « Nous devons entreprendre une guerre révolutionnaire ». Un bataillon d’infanterie coloniale en Algérie, 1957-1961
16. Aïssa Kadri, L’Exécutif Provisoire, les enjeux d’une transition chaotique
III. Les dimensions internationales de la guerre
17. Saphia Arezki, La formation militaire des combattants de l’ALN aux frontières de l’Algérie et à l’étranger
18. László Nagy, Propagande radiophonique en faveur du peuple algérien en lutte pour son indépendance. Le cas de « La voix de la paix et de l’indépendance nationale » de Budapest
19. Roland Lombardi, Le regard et l’implication d’Israël dans la guerre d’Algérie. Un aspect international méconnu
20. Fatima Besnaci-Lancou, Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Un témoin singulier dans la guerre d’Algérie et ses suites
IV. Expériences, représentations et mémoires de la guerre
21. S. Romi Mukherjee, Le devenir algérien de Frantz Fanon
22. Julien Hage, Explosion et circulations des imprimés lors de la guerre d’Algérie
(1954-1962)
23. Vanessa Codaccioni, Penser la diversité des expériences communistes de la guerre d’Algérie
24. Tramor Quemeneur, Jeunesses et désobéissance dans la guerre d’Algérie
25. Charlotte Gobin, Hommes, femmes et relations socio-sexuées dans les réseaux de soutien français au FLN. La septième Wilaya au prisme du genre
26. Andrea Brazzodur, La gauche italienne et la guerre d’indépendance algérienne.
Voir/ne pas voir l’Algérie
27. Daniel A. Gordon, Le 17 octobre 1961 et la population française. La collaboration ou la résistance ?
28. Emmanuel Alcaraz, Le mythe Boumediene face à l’histoire
29. Emmanuelle Comtat, Les Français d’Algérie et leurs descendants face à leur passé. Des mémoires traumatiques au vote
Index
Table des sigles