La marginalisation globale de l’Afrique tropicale, sous l’effet de la crise économique et de la fascination de l’Europe orientale, risque de faire oublier la diversité des enjeux et des projets qui sépare les espaces du continent noir. En particulier, la façade de hauts plateaux tournée vers l’océan Indien, du massif éthiopien aux rives du Zambèze (sans oublier les hautes terres malgaches), ne peut être confondue avec l’Afrique de l’Ouest. Elle ne se réduit pas aux images de safaris, ni, malgré des crises politiques récentes d’une violence inouïe, aux cauchemars évoqués par les philanthropes. La proximité d’une Afrique du Sud en pleine mutation apporte à cette région de l’Afrique une nouvelle donne.

La région se distingue d’abord par la vigueur de ses structures politiques précoloniales (monarchies combinant mystique et réseaux tributaires, cités maritimes en contact ancien avec l’Islam, solidarités ethniques…) et par le poids de ses traditions jusqu’au XXe siècle, à l’ombre des systèmes d’administration indirecte allemand, britannique ou belge. La conquête coloniale européenne, venue après les incursions arabes, se heurta sans cesse à de vives résistances populaires, précédant la cristallisation des nationalismes modernes.

Les débats idéologiques ont été à la hauteur des contacts culturels, des confrontations religieuses et des luttes politiques : le socialisme, l’ethnisme, les différentes confessions chrétiennes, les traditions initiatiques de culture bantu, l’Islam, ont trouvé ici des terrains d’expérience particulièrement vivants.