Peindre pour agir. Muralisme et politique en Sardaigne
Auteur(s) :COZZOLINO
Résumé :
Cet ouvrage retrace l’émergence d’une pratique de peinture murale à Orgosolo en Sardaigne et son évolution, à partir de la fin des années 1960 jusqu’à ses usages patrimoniaux et touristiques contemporains.
Cet ouvrage retrace l’émergence d’une pratique de peinture murale à Orgosolo en Sardaigne et son évolution, à partir de la fin des années 1960 jusqu’à ses usages patrimoniaux et touristiques contemporains. Situé au centre de l’île, près du massif du Supramonte, archétype d’une Sardaigne traditionnelle, ce village affiche aujourd’hui trois cents peintures murales, réalisées au départ par un enseignant de dessin et ses élèves puis lors de manifestations contestataires, à l’aide des villageois.
Cette « tradition récente » de peinture murale s’est désormais propagée à toute la Sardaigne, avec des usages divergents : tantôt moteur des politiques de développement patrimonial et touristique, tantôt manifestation d’un faire politique alternatif, témoignant de l’existence d’espaces de socialisation et de formes de résistance dans la continuité des pratiques graphiques militantes des années 1970.
L’auteure examine, sur quarante ans, les relations multiples et parfois intimes qui se sont nouées entre les habitants et ces peintures murales, et étudie comment s’est reconfiguré le monde social d’Orgosolo à partir de ces peintures murales qui construisent une ambiance graphique singulière. Ces murs affichent le portrait d’une société en changement. Ils peuvent apparaître tout autant comme le lieu d’une résistance acharnée des identités et des traditions, mais aussi l’endroit où s’exprime le débat relatif aux actualités et aux problèmes sociaux. Véritables dispositifs de maintien d’une société souvent qualifiée d’archaïque, mais aussi espaces hyperactifs d’expérimentation sociale, ces murs ne cessent de murmurer – et parfois de décrier – la fabrique du champ social.
Plus largement, le cas d’Orgosolo interroge l’impact des objets graphiques exposés dans un espace public. Dans quelle mesure interviennentils dans la construction des relations sociales ? Comment l’anthropologie peut-elle ouvrir de nouvelles perspectives sur le pouvoir d’action des images et de l’écriture ? C’est à ces questions que cette passionnante enquête ethnographique sur la peinture murale à Orgosolo apporte également des réponses.
Docteure en anthropologie sociale et culturelle, Francesca Cozzolino enseigne les sciences humaines et sociales à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (EnsAD-PSL, Research University, Paris). Chercheuse à EnsadLab (Laboratoire de recherche en art et design de l’EnsAD) et membre affilié au Lesc (Laboratoire d’ethnologie et sociologie comparative de l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense), elle est spécialisée dans l’ethnographie des pratiques artistiques. Ses travaux de recherche se situent à la croisée de l’anthropologie de l’art, des études sur la culture matérielle et des visual studies.
Table des matières
Remerciements
Préface de Béatrice Fraenkel
Introduction
PREMIERE PARTIE : ACTIVER DES PRATIQUES GRAPHIQUES
Introduction
Chapitre 1 : Le grand récit des murales d’Orgosolo
Fiores in su granitu, 2014. Représenter l’histoire des murales
L’apparition et l’évolution d’une tradition du mur peint
Le Circolo Giovanile : l’atelier populaire d’Orgosolo
L’héritage des expériences de la contestation étudiante et des muralistes de l’Amérique Latine
Le rôle des enfants et des écoles
La diffusion et le développement du muralisme dans l’île
L’émergence d’un phénomène et sa reconnaissance intellectuelle
Chapitre 2 : Actes iconiques, des images comme acteurs d’histoire ?
Au-delà de la représentation. Pour une approche relationnelle de l’image
Une histoire marquée par la résistance et l’esprit de révolte
Une image anhistorique : la figure du berger
Du criminel à Robin des bois : la figure du bandit
L’apparition d’une figure de la modernité : le militant internationaliste
Un répertoire iconographique construit entre tradition et actualité politique
Questions de style et de forme
Véhiculer l’histoire : du village des bergers au village des peintres révolutionnaires
Chapitre 3 : Actes graphiques. Quand l’écrit produit le contexte
Approches théoriques des écritures urbaines
Mettre en scène l’écriture
Des chaînes d’écriture : tracts, affiches, fresques
Logiques scripturales
Le « nous » s’affiche
Ne pas signer, une posture contre le monde de l’art ?
L’orgolese, un choix linguistique militant ?
Ce que disent les écrits. Des énoncés performatifs ?
Façonner l’ambiance graphique : l’efficacité des écrits des murales d’Orgosolo
Conclusion
Les murales : une forme de « folklore progressiste »
DEUXIEME PARTIE : FABRIQUER DES LOGIQUES SOCIALES
Introduction
Chapitre 4 : L’esprit du lieu : usages et fonctions des murales
L’espace géographique : une ruralité singulière
L’espace graphique : fresques, graffitis, signalétique et enseignes peintes
L’espace juridique : police de l’écriture et conventions tacites
L’espace re-socialisé par la peinture
L’espace politisé : entre opinion publique et expression politique
L’espace parcouru : déambuler dans une mémoire publique
L’espace vécu : localiser des souvenirs
L’espace pédagogique : peindre pour écrire l’histoire
L’espace « publicitaire » : les murales une forme de marque territoriale ?
Chapitre 5 : L’esprit du temps : controverses et résistances à la fabrique patrimoniale
La fresque des Français : partager ou imposer une tradition
Cadre normatif et résistances
S’agit-il d’art ou pas ? Conflits de légitimité
Artification et oppositions du monde de l’art
L’adaptation au marché touristique : vendre une tradition
Délocaliser une tradition, fabriquer l’authenticité
Les politiques publiques promotrices de patrimonialisation : de la mise en fiche des murales à leur exposition
Exposer un patrimoine qui fait débat. Le musée « Radichinas »
Émotions patrimoniales et politiques de la mémoire
Conclusion
Les murales, une forme d’engagement dans la cité
Bibliographie
Ils en ont parlé
Une recension en italien par Franco Zecchin dans la revue Annuac (décembre 2017)
"Jusqu’à la dernière ligne, l’analyse va crescendo, conceptualise, exprime de nouveaux faits, pense le sujet dans une perpétuelle évolution, non pas parce que de nouveaux murales sont exécutés mais parce que les regards qui leur sont portés se diversifient sans cesse. En définitive, les murales comptent moins que la mémoire des pratiques de lutte dont les villageois ne veulent pas être spoliés. En cela, le sujet est heuristiquement fécond. Les habitants d’Orgosolo sont plutôt dans le présentisme, dans ce qui permet aujourd’hui d’activer leur mémoire collective. Un musée les renverrait dans le passé alors que la « murale des murales » revivifie leur mémoire."
Un compte-rendu par Philippe Hameau dans la revue Ethnologie française n°170 pp.368-370 (2018)
Fiche technique
- ISBN
- 9782811117191
- Date de parution
- 2017-04-10
- Nombre de pages
- 304
- Largeur
- 160 mm
- Hauteur
- 240 mm
- Editeur
- Karthala
Collection
Thématique(s)
Géographie et environnement, Histoire, Peuples et sociétés, Politique, Questions sociales
Zone(s) géographique(s)
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