Tisser le temps politique au Maroc
Auteur(s) :HIBOU Béatrice et TOZY Mohamed
Résumé :
À partir des types-idéaux de l’Empire et de l’État-nation, les auteurs dégagent la pluralité des modes de gouvernement et de domination à l’oeuvre au Maroc en insistant sur leur osmose continuelle.
Le Maroc inspire des lieux communs. Il serait un prototype d’immobilisme politique, dans la main autoritaire et conservatrice du « commandeur des croyants », en mal de démocratie, mais à l’ombre d’un islam somme toute modéré. Trente années d’enquêtes de terrain, d’entretiens, de dépouillement d’une vaste documentation primaire et d’observation participante permettent à Béatrice Hibou et Mohamed Tozy de montrer comment les changements démographiques et environnementaux, ainsi que les processus de naturalisation du néolibéralisme, ont transformé les façons de gouverner les hommes et les territoires du royaume.
À partir des types-idéaux de l’Empire et de l’État-nation, les auteurs dégagent la pluralité des modes de gouvernement et de domination à l’oeuvre au Maroc en insistant sur leur osmose continuelle. Il n’est pas question d’un passage de l’empire chérifien (XVIIe-XIXe siècle) à l’État-nation, dont le protectorat français aurait jeté les fondements, ni de la perpétuation d’une tradition impériale résiduelle au coeur de l’État moderne. Il s’agit bel et bien d’un assemblage de ces deux logiques, qui déjà coexistaient dans les siècles précédents, et dont le jeu simultané est sous-jacent au gouvernement néolibéral contemporain. L’Empire et l’État-nation ne se présentent pas sous la forme d’une alternative ni d’une contradiction. Ils constituent deux ressorts d’une même domination qui ne se réduit pas à la seule figure du roi. Ils sont en tension continue, une tension dont procède l’historicité de l’imaginaire politique marocain et qui en tisse le temps singulier. Une démonstration fondamentale de sociologie historique comparée de l’État.
Béatrice Hibou est directrice de recherche au CNRS (Sciences Po-CERI). Elle a publié, entre autres, Anatomie politique de la domination (La Découverte, 2011). Mohamed Tozy est professeur des Universités à l’IEP d’Aix-en-Provence. Il est notamment l’auteur de Monarchie et islam politique au Maroc (Presses de Sciences Po, 1999).
Table des matières
Remerciements
Introduction
Investir autrement les travaux sur l’impérial
L’imaginaire, par-delà culture et tradition
Penser par idéaltype
Tisser le temps
La maïeutique au travail
Prolégomènes. L’État marocain dans la durée
L’empire chérifien et ses régions
La démultiplication des échelles de gouvernement
Le protectorat et l’invention du dualisme
Le temps tissé du Maroc indépendant
Première partie : Les fondements du pouvoir
1. Représentation
Retour à l’histoire : la représentation au défi de la défaite
La nouvelle Constitution entre centralité des élections et pratiques de cooptation
Les images de la communauté politique : mises en scène et théâtralisation
La représentation dans les figures de l’État-nation et de l’État impérial
La diffusion de la cooptation
2. Responsabilité
Être responsable « de »
De quelques expressions du gouvernement pastoral
Le difficile cheminement de la responsabilité « envers »
La dimension tragique de la mise en responsabilité
3. Violence
La violence de l’État-nation
L’actualisation de la violence impériale, entre brutalité et stratégies d’évitement
Mise en scène impériale de la violence de l’État-nation : le temps de la haiba institutionnalisée
Le changement de règne : de l’encadrement de la violence à sa naturalisation
Deuxième partie : Gouverner la nation
4. Tanger Med, gouverner sur le mode du miracle
La construction hétéroclite d’un territoire élu
Un mode d’administration bigarré et ambivalent
Un projet symbolique et ses différentes conceptions de la nation
5. Une territorialisation à géométrie variable
À la conquête du territoire : repères historiques
Collectivités ethniques et collectivités territoriales
L’administration des nouveaux confins
6. Administrer en entente
Le moqaddem, un pari raisonnable sur l’information
Le naïb, un pari risqué sur le pouvoir de représentation
Le taleb, un pari perdu sur le clergé de fonction
L’‘adel, un pari gagnant sur une tradition réinventée
Troisième partie : les affinités impériales dans l’art néolibéral de gouverner
7. La pénétration différenciée du néolibéralisme au sein des institutions
Les chemins buissonniers du néolibéralisme
L’institutionnalisation de la participation
8. Gouvernement indirect
Délégations formalisées
Délégations implicites
Accommodements
Partage
Médiation et dissidence
9. Les porteurs du néolibéralisme
Les technocrates ingénieurs de l’économie et de la finance
Les anciens hommes de gauche devenus acteurs économiques
Les élites traditionnelles modernisées
La société civile bourgeoise
Les notabilités locales multipositionnées
Les experts
Les islamistes, outsiders devenus insiders
Conclusion générale
Bibliographie
Chronologie
Liste des sigles
Glossaire.
Ils en ont parlé
Une interview des auteurs dans Jeune Afrique par Fadwa Islah (novembre 2020)
Une émission de La Suite dans les Idées avec Sylvain Bourmeau sur France culture (20/02/2021)
Entretien avec les coauteurs sur le site du CERI / Sciences Po (octobre 2020)
Fiche technique
- ISBN
- 9782811127657
- Date de parution
- 2020-09-24
- Nombre de pages
- 660
- Largeur
- 135 mm
- Hauteur
- 215 mm
- Editeur
- Karthala
Collection
Thématique(s)
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